dimanche 20 juillet 2014

Texte de l’abbé POUILLAUDE, Curé d’Hergnies en 1849. Archives de l’église Saint Amand d’Hergnies



 En 1849, notre village fut touché par une épidémie de choléra. L'abbé POUILLAUDE, alors curé de la paroisse d'Hergnies, proposa de réciter une neuvaine en l'honneur du saint guérisseur pour le 11 juillet à l'effet d'obtenir la cessation du fléau. "Une estrade superbe destinée à recevoir l'ancienne statue de Saint Roch et à l'offrir pendant neuf jours à la vénération des fidèles, fut déposée en avant du chœur près de la balustrade.

Deux exercices publics furent donnés chaque jour pendant la neuvaine ; l'un à six heures du matin, l'autre à huit heures le soir. Au premier, on chantait après la première messe les litanies à la sainte Vierge, puis tout le clergé allait processionnellement à l'autel Saint Roch.

Le célébrant encensait la statue du saint et on terminait par l'antienne et l'oraison en son honneur. Au second exercice, j'ai d'abord pour inciter la dévotion des fidèles, lu, en deux fois la vie de Saint Roch tirée des exercices de piété…

Après la lecture on récitait auprès de la statue de Saint Roch les litanies des saints et toutes les prières qui suivent (en français) puis on chantait l'antienne et l'oraison propre du saint, on encensait la statue et enfin on allait terminait l'exercice par la bénédiction du saint Sacrement au chant du Parce Domine.

La neuvaine a été bien suivie, l'église regorgeait de monde à chaque exercice, surtout à celui du soir. Saint Roch ne resta pas sourd à l'appel des hergnisiens qui l'invoquaient. "Une chose bien remarquable et surtout bien consolante, c'est qu'à dater de l'ouverture de la neuvaine nous n'avons pas eu, pendant trois semaines, un seul cas de choléra. Depuis lors jusqu'au 15 septembre, nous avons bien eu à la vérité, plusieurs cas et quelques morts, mais qui ne présentaient plus les caractères alarmants qu'offrait l'épidémie à son début."

L'abbé POUILLAUDE proposa l'achat d'une nouvelle statue; "On a vu plus haut qu'avant l'invasion du choléra à Hergnies. J'avais fait une quête à l'église pour la restauration de l'ancienne statue de Saint Roch et que cette quête avait rapporté 29 F. Voyant les habitants si bien disposés pendant la neuvaine, je leur proposais quelque chose de mieux : c'était de faire offrande à Saint Roch d'une nouvelle statue mais plus grande et plus belle que l'ancienne. A cet effet, j'ai fait placer un plat sur l'autel de Saint Roch et exhorté les fidèles à y aller déposer leurs dons. 49 F ont été ainsi recueillis pendant la neuvaine."

"…Mais sur ces contrefaits, voilà qu'une proposition bien autrement importante, émise par monsieur le maire DOFFENIES, circulait dans tout le village. Il s'agissait de bâtir une chapelle à Saint Roch. J'allai trouver M. le maire pour savoir de lui si ces bruits avaient quelques fondements et j’appris avec joie, que non seulement ils étaient fondés mais même que M. le maire était disposé à faire en personne une souscription dans tout le village pour l'érection de la chapelle. En conséquence à l'instruction de la clôture de la neuvaine, j'annonçais le dessin de bâtir une chapelle et l'ouverture d'une souscription.

Dès le lendemain matin, vendredi 20 juillet, M. DOFFENIES accompagné de M. le vicaire se mit en à parcourir le marais à bosser et le long marais, M. JURION (charron) et M. Henri DURIEUX allèrent au Rieu-de-Condé, pour moi et M. SINAF le tour de la place. En moins de deux jours, notre souscription terminée montait avec les dons pour la statue de Saint Roch à la somme de sept cents dix francs soixante quinze centimes (710,60 F).

Pour amener tout mon monde, j'annonce qu'il faut que la chapelle soit terminée pour le 16 du mois d'août, jour de la fête de Saint Roch, pour que rien ne manque à la réalisation d'une si belle entreprise. J'irai, pendant que les fermiers s'empresseront d'amasser les matériaux nécessaires, j'irai, dis-je, à Lille pour faire l'acquisition d'une statue de Saint Roch. J'achetai en effet dans ce voyage la belle statue que nous avons, chez DAMMANN pour la somme de 160 F.". Mais il fallait d'abord trouver un lieu pour édifier la chapelle, lieu devant se trouver sur le passage des processions.

De plus tous les transports de matériaux, toutes les pierres, tout le bois excepté le chêne, douze mille briques environ, ainsi que la main d'œuvre (ouvriers maçons, maréchal, charpentier, menuisier) ont été promis à titre gratuit. Nous pouvons donc commencer un bel ouvrage avec la certitude d'avoir les moyens de la terminer.

L'emplacement de la chapelle restait le problème pour que l'œuvre de tout village puisse s'accomplir. Mais comme dans toute belle entreprise, des complications apparaissent : où allait-on ériger la chapelle ?  …

C'est alors que la famille POUILLE-DEFERNEZ offrit donc le terrain situé, aujourd'hui "Rue Carpeaux" (anciennement Rue Saint Roch) où se trouve toujours la chapelle Saint Roch. "

"Pourvu d'un beau terrain, d'une belle statue de Saint Roch et de matériaux suffisants, je posai la première pierre le lundi au matin 30 juillet et tous les ouvriers, les fermiers me secondèrent, si  bien quelle fut terminée en douze jours de travail, c'est-à-dire le quatorze du mois d'août et bénite, comme je l'avais annoncé, le 16 du même mois, jour de Saint Roch."

Le jour de la Saint Roch, dès quatre heures du matin, une foule remplie d'enthousiasme s'occupait à tresser des guirlandes de fleurs, à élaborer des arcs de triomphe, à chercher des branches couvertes de feuillage, à les planter comme des haies vives, tout cela pour embellir les voies du passage de la procession.

"La bénédiction de la statue de Saint Roch et de la chapelle ne devait avoir lieu qu'à quatre heures de l'après-midi mais pour rendre la fête complète et pour attirer la bénédiction de Dieu sur la paroisse, j'ai voulu chanter à dix heures du matin une messe très solennelle.

M. le curé de Château l'Abbaye et M. le Vicaire d'Hergnies y ont fait diacre et sous diacre. L'église était tellement pleine de peuple que M. le doyen de Notre Dame de Valenciennes m'a dit avoir eu peine à pénétrer jusqu'au chœur.

A peine trois heures de l'après-midi avaient-elles sonné que déjà une multitude envahissait l'église et déjà une demi-heure avant les vêpres, une foule deux fois plus nombreuse que celle qui avait pu pénétrer dans l'intérieur de l'église stationnait sur son pourtour. Les personnes étaient entassées, empaquetées, l'air était si échaudé qu'on étouffait, le cœur faillissait à bien des personnes."

Pour abréger une situation si pénible, on ne chanta que le premier psaume des vêpres et le Magnificat puis le doyen bénit la statue de Saint Roch. L'Abbé POUILLAUDE fit un sermon qui fut écouté avec un recueillement vraiment admirable même de ceux qui étaient hors de l'église. Aussitôt après le sermon, la procession défila non sans peine au milieu d'une foule trop compacte pour la laisser libre dans ses mouvements. Ce n'est qu'arrivée sur la place qu'elle put s'étendre et se développer à son aise.

"Alors elle présenta en des plus beaux, des plus majestueux, des plus religieux et des plus touchants spectacles que puisse contempler un chrétien, qu'on se figure lumineuse place d'Hergnies littéralement couverte d'une multitude, revêtue des plus beaux habits de fête, mais priant, mais recueillie et contemplant avec admiration la belle distribution et la marche solennelle de la procession qui la traversait en l'emmenant avec elle : huit bannières dont quatre rouges et quatre blanches, flottaient chacune devant, autant de statues de Saints comme pour leur servir d'étendards, les statues reflétaient au loin l'éclat de l'or dont elles sont recouvertes, tous les objets pieux portés par des hommes, des jeunes gens, des jeunes filles choisis parmi les familles les plus honorables du village ; marchaient devant la nouvelle statue de Saint Roch.

Pour moi, il me semblait alors que le ciel avait déporté plusieurs de ses habitants pour venir faire escorte au héros de notre fête, Saint Roch, et l'aller mettre en possession du monument qu'on venait d'ériger en son honneur".

On voyait encore devant la statue de Saint Roch, un groupe de jeunes filles revêtues de robes et de voiles blancs portaient en cérémonie, chacune un des objets donnés en présent à la nouvelle chapelle : une nappe et une garniture d'autel, neuf globes en verre, autant de beaux bouquets et de vases en porcelaine dorée, quatre chandeliers, en tout, trente pièces différentes.

Les maçons d'Hergnies, en récompense de leur courage et de zèle à bâtir la chapelle, avaient l'insigne honneur de porter la nouvelle statue et s'acquittaient de leur charge avec beaucoup de dignité. Un nombreux clergé composé de trois doyens, neuf prêtres, trois séminaristes venait ensuite, chantant des psaumes et enfin le conseil municipal fermait, avec la gravité qui lui convient, cette imposante marche.

Un soleil à demi voilé, dans un ciel pur toutefois, laissait tomber sur le cortège cette lumière douce qui donnait à tous les objets une teinte des plus agréables. L'air des plus sereins donnait un souffle si léger qu'il balançait à peine mollement les bannières comme pour faire un charme, de plus en montrant les doux reflets de la soie, tout en permettant à la voix du clergé de porter dans tous les cœurs les sons de la prière et à la belle cloche du village d'annoncer au loin le bonheur de ses habitants.

Lorsque la chapelle fut bénie, la statue de Saint Roch et tous les dons qu'on lui avait offerts, furent déposés sur son autel. Un chœur de jeunes filles du village formé par les soins de M. DELCOURT de PERUWELZ et accompagné de six à huit instruments exécutèrent en trois parties un beau cantique en l'honneur de Saint Roch et la procession se remit en marche vers l'église pour y recevoir la bénédiction du Très Saint Sacrement après quoi tout le monde se retira joyeux et édifié. Il était six heures et demie du soir. Jamais les habitants d'Hergnies qui ont été témoins de cette auguste cérémonie n'en perdirent le souvenir."








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